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Martine(t) News, le blog de Martine Wauters (Belgique)
31 août 2017

Toverfluit: suivi d'une colonie impressionnante

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Le GT Martinets de Natagora en plein recensement (2017 et 2016). Mot d'ordre: sérieux... mais bonne humeur!

 

(Article mis à jour le 25/02/19)

 

Introduction : le Campus « Toverfluit »

Le campus « Toverfluit » est un ensemble de bâtiments scolaires datant de 1973, situé rue de la Flûte enchantée (Molenbeek-Saint-Jean, Région de Bruxelles-Capitale), en bordure du site classé du Scheutbos.

Le Scheutbos, ce sont 50 hectares de biotopes variés, gérés écologiquement par l’asbl des Amis du Scheutbos, en collaboration avec l'administration communale de Molenbeek-Saint-Jean et l'administration régionale Bruxelles Environnement (pour la prairie jouxtant le campus, où paissent des vaches Galloway appartenant à l’asbl Natuurpunt). Le voisinage immédiat de ce site écologique, à côté du campus, favorise la présence abondante des insectes volants qui constituent la nourriture exclusive des Martinets noirs.

 

Découverte d’une colonie

Dans le quartier voisin du Scheutbos, le bâti est surtout composé de tours d’immeubles modernes, peu favorables à la nidification de cette espèce. Pourtant, une importante colonie de Martinets noirs (Apus apus) s’est développée dans les trous d’aération de l’école. Leur présence a été découverte en 2011, dans le cadre de suivis ornithologiques sur le site du Scheutbos et dans ses abords. A l’époque, des Moineaux domestiques (Passer domesticus) y nichaient aussi, et ce sont sans doute ces oiseaux qui ont permis aux martinets de découvrir la présence de cavités de nidification potentielle. Quant aux moineaux, ils ont fini par disparaître du site, peut-être face à la concurrence des martinets (de telles interactions régulières entre ces deux espèces ont pu en effet être constatées non seulement par des observations personnelles, notamment dans plusieurs quartiers de la Région de Bruxelles-Capitale, mais également par de nombreux autres personnes qui étudient les martinets; elles sont aussi documentées par le Suisse Bernard Genton*), peut-être aussi après que l’athénée a renoncé au poulailler où ces oiseaux principalement granivores s’alimentaient. A ce jour, les dimensions intérieures des cavités restent inconnues.

Une autre espèce cavernicole, la Perruche à collier (Psittacula krameri), qui niche et se nourrit dans les arbres du Scheutbos, a également découvert ces cavités : plusieurs individus ont été observés les 4 et 8 août 2014, alors qu’ils s’accrochaient longuement au niveau des trous de ventilations, regardaient à l’intérieur,... Mais les orifices sont trop petits pour cet oiseau, et les perruches ne menacent donc pas la colonie de martinets.

En 2013, la direction de l’athénée a été informée de la présence de cette colonie importante dans les trous de ventilation de ses bâtiments. En hiver 2014-2015, M. Demeyer, professeur de biologie de l’athénée, a pris l’initiative de libérer l’accès à la quasi-totalité des trous d’aération de l’athénée qui étaient bouchés (une trentaine au total). Depuis, les martinets disposent potentiellement de 251 cavités (198 pour l'athénée, 56 pour l'école maternelle & primaire!)

 

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Situation avant l’intervention de M. Demeyer. Une partie des orifices de la façade Bb
  et du bâtiment D (école primaire & maternelle) sont encore obturés.

 

 La photo ci-dessous explicite la dénomination des différentes façades dans la suite de cet article :

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A-B-C: athénée - D: école maternelle & primaire.

 

Recensements

Le premier inventaire « exhaustif » de la colonie de Martinets noirs occupant le campus « Toverfluit » a eu lieu en 2016, suite au lancement de l’opération "Martinets BXL 2016-2018" par le Département Etudes de Natagora-Aves (recensement des martinets bruxellois par une cinquantaine de bénévoles, sur plusieurs années), opération qui a favorisé l’émergence d’un véritable groupe de travail « martinets ». Ce recensement s’est déroulé le 15 juillet 2016, avec une équipe d'une dizaine de bénévoles.

 

Pour faciliter le suivi, chaque trou d’aération a été numéroté, des numéros étant collés sur toutes les fenêtres situées juste en-dessous des trous :

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© Martine Wauters

 

 

Le recensement 2016 a permis de repérer 26 cavités occupées par des couples nicheurs :

Diapositive1

Comme la date du 15 juillet s’était avérée trop tardive (certains trous occupés lors de visites préparatoires ne l’étant plus le « jour J »), il avait été décidé d’organiser les recensements suivants plus tôt dans la saison.

 

En 2017, le deuxième recensement exhaustif s’est donc déroulé en plusieurs temps :

- quelques observations ponctuelles en mai et juin, enregistrées lors de visites préparatoires (non dévolues au recensement).

- un recensement d’une journée, le 27/06/17, avec une dizaine bénévoles du GT Martinets et un représentant des Amis du Scheutbos.

-  plusieurs visites supplémentaires par petites équipes (GT Martinets & Natuurpunt Brussel), début juillet. Ces visites se justifiaient par le nombre insuffisant de bénévoles pour assurer un recensement exhaustif de toutes les façades le 27/06.

Quelque 19 bénévoles se sont investis avec sérieux et enthousiasme dans cette belle opération, merci à eux!
Merci aussi à l'équipe du Campus Toverfluit pour son accueil!

 

Analyse :

Au total, 199 des 251 cavités disponibles ont été recensées en 2017 (la façade Aa, a priori peu favorable à la nidification du martinet - vu la proximité immédiate d’une rangée d’arbres -, n’a pas pu être couverte cette année, mais au moins un couple y avait été recensé en 2016, vers l’extrémité droite de la façade. Affaire à suivre en 2018, donc !).

Sur ces 199 cavités recensées cette année, 57 ont été recensées comme occupées par des couples nicheurs, soit 114 reproducteurs (116 si l’on suppose que le trou de la façade Aa était toujours occupé). A cela s’ajoutent les effleureurs (de 10 à 30 selon les heures) effectuant des rondes sonores régulières autour de la colonie, certains allant jusqu’à frôler une partie des orifices d’accès voire à brièvement s’y accrocher ou y entrer partiellement (80 trous visités, dont 42 déjà occupés par des nicheurs et 38 inoccupés… dont un trou au-dessus d’une descente de gouttière). Si l’on tient compte de la moyenne (suisse) de 2,57 œufs par couple, « produisant » une moyenne de 2,2 jeunes à l’envol (Source: Bernard Genton), il y aurait eu environ 260 martinets sur le site cette année, toutes générations confondues !

On peut certes se demander si certains trous où des individus ont été observés entrant et restant dans de « nouvelles » cavités début juillet étaient des nicheurs ou si certaines de ces nouvelles observations s’expliquaient par la présence de prénicheurs ayant « jeté leur dévolu » sur certaines nouvelles cavités.

Quoi qu'il en soit, il est envisagé d’organiser le recensement collectif principal de 2018 avec des effectifs plus nombreux (idéalement en partenariat entre le GT Martinets et de nouveaux partenaires), afin de couvrir simultanément, en une journée, l’ensemble des façades. Des visites ponctuelles supplémentaires resteront utiles. Si vous voulez vous joindre à nous, n'hésitez pas à nous contacter (martinets@natagora.be)!

Ci-dessous, les résultats détaillés façade par façade:

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Diapositive1

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Quelques éléments d'analyse :
(Rapport détaillé sur demande à l'adresse précitée)

Le taux d’occupation (et de fréquentation) particulièrement élevé de la façade Ca, malgré son orientation a priori moins favorable (en plein soleil), peut s’expliquer par la présence probablement antérieure de Moineaux domestiques de ce côté. De plus, les cavités de nidification sont probablement suffisamment à l’intérieur de la façade pour ne pas trop subir la surchauffe que l’on pourrait enregistrer dans de simples nichoirs apposés à une façade orientée Sud-Ouest.

Pour les façades Ab et Cb, on peut relever que les martinets colonisent en priorité, entre autres, les coins des façades, comme cela est souvent observé, mais on peut aussi constater que ce n'est pas le cas pour toutes les façades du campus. Les descentes de gouttières ont aussi été indiquées sur le schéma, comme les martinets ont tendance à y rechercher des cavités. Lors du recensement principal du 27 juin 2017, une bénévole a d'ailleurs observé un effleureur explorant un trou situé au-dessus d'une descente de gouttière (façade Ca), et non un des nombreux trous d'aération.

Façade_Da
La façade Da

Quant à la façade Da (cour de récréation de l'école maternelle & primaire), 4 cavités y sont occupées par des nicheurs (au-dessus du préau), dont 2 ont aussi attiré l’attention d’effleureurs. Un autre cavité inoccupée, située plus loin sur la façade, a aussi été visitée. Et ce, malgré sa position plus basse (un étage de moins que les bâtiments de l’athénée), de surcroît au-dessus de la toiture relativement proche du préau, et bien qu’elle soit en plein soleil et qu'elle donne sur une cour souvent très bruyante et animée.

Souvent, les personnes qui me consultent s'inquiètent de poser des nichoirs ou de réaliser des aménagements pour martinets côté rue, craignant que le bruit de la circulation ne décourage ces oiseaux de venir s'y installer. Ceci confirme ce que je leur réponds toujours : que le bruit et l’agitation ne perturbent vraiment pas les martinets !

 

Ethologie du Martinet noir

Comme le montrent les images qui suivent, le recensement d’une telle colonie permet d’observer toute une série de comportements passionnants et fascinants du Martinet noir. Merci à Benoît Huc et Erik Etienne pour ce reportage instructif!

 

Les trois premières photos, prises en rafale, montrent le plongeon qu’effectuent les martinets adultes lorsqu’ils sortent de leur cavité de nidification :

 

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Les photos suivantes illustrent le comportement typique des effleureurs, martinets de 2ème et 3ème années-calendrier en quête de cavités potentielles :

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Groupe d’effleureurs en pleine action (© Erik Etienne).

 

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Effleureur en pleine opération de retournement après une marche arrière à la sortie d’une cavité.
(© Erik Etienne)

 

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Effleureur (© Erik Etienne : « marche arrière et hop retournement, glissade et envol »).

 

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Groupe d’effleureurs, dont un s’accrochant au mur sous une cavité (© Erik Etienne).

 

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Groupe d’effleureurs, dont un s’accrochant au mur sous une cavité (© Erik Etienne).

 

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Effleureur inspectant l’intérieur d’une cavité (© Erik Etienne).

 

Vous voulez profiter de ce spectacle? Nous organisons régulièrement des soirées "Martinets & Crème glacée" en partenariat avec les Amis du Scheutbos, rendez-vous en été 2018, tenez donc à l'oeil les agendas de cette asbl locale ou celui de Natagora!

 

 * GENTON, B. (2009): Relations interspécifiques du Martinet noir Apus apus avec le Moineau domestique Passer domesticus - Exemple dʼaménagements novateurs en faveur du Martinet noir. Nos Oiseaux 56: 67-86.

 

 

 

 

 

Commentaires
A
Une colonie s’est installée dans ma rue à Liège également depuis 2 ans mais cette annėe le nombre d.individus était impressionnant 😁 Pas facile de voir où ils ont niché exactement mais je les suspecte d’avoir trouvé refuge dans ma façade où il y a de nombreux trous.Fabienne
Répondre
D
Bonjour,<br /> <br /> Que sont devenues les nombreuses hirondelles qui nichaient dans les toits des maisons de la rue du Scheutbos ? Il y a une trentaine d'années, alors que la vieille ferme en ruine était encore là (à présent devenu l'aire de parking pour les potagers) il y avait une bonne vingtaine de nids chaque année.<br /> <br /> Y a-t-il cohabitation possible entre hirondelles et martinets?
Répondre
Y
Bonjour, est-on certain que les cavités ne communiquent pas entre elles, ce qui pourrait amener à surestimer les effectifs nicheurs?<br /> <br /> Yann
Répondre
Martine(t) News, le blog de Martine Wauters (Belgique)
  • Le Martinet noir et d'autres oiseaux citadins nichent dans les cavités des bâtiments. Or, nous rénovons et isolons de plus en plus. Incompatible? Pas nécessairement! Ce blog vise à vous en convaincre, par des exemples très concrets. Martine Wauters, BXL
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